EXPOSITION DU 25 MARS AU 20 MAI 2017

 

Avec ses sonorités suggestives, « Gésir » résonne comme un mot du vocabulaire amoureux. Il ne se conjugue qu’au présent et à l’imparfait. C’est un verbe défectif inséparable de la narration.

Gésir ne fait pas partie du vécu, mais du récit.

La mort est un lieu anthropologique commun à tous les mythes fondateurs. D’elle, est sensé surgir le renouveau de la vie – comme la preuve d’un l’équilibre cosmique… Beaucoup y croient, mais le réel est moins scrupuleux. Incontournable des sociétés évoluées comme des plus primitives, la contemplation du corps gisant mobilise la communauté autour de ses croyances, alors que le spectacle de la souffrance endurée entrave bien des consciences et des revendications – si ce n’est celles de faire pareil, par mimétisme et par peur.

La violence – symbolique ou non – qui l’accompagne souvent est le vecteur d’un modèle imposé.

L’humain n’a-t-il jamais tenté autre chose pour s’organiser ? Sans doute.

Mais le pouvoir ? C’est moins sûr.

 

Souffrir

Johanna Perret ne s’intéresse pas tant à la violence qu’à sa représentation. Si la souffrance est un fait organique que l’on peut étudier et médicaliser afin de la réduire ; la violence, celle qui vise à faire souffrir, est souvent le fruit d’une mise en scène. Elle est le révélateur autrement plus cru du fonctionnement d’une société donnée, de ses mécanismes symboliques et de sa réalité vécue, aussi traumatisante soit-elle.

Ici, on voudrait distinguer la réalité anthropologique du réel rationnel au sens de hard-science – à condition toutefois que celui-ci existe indépendamment de celle-là.

Devant certaines extrémités, la raison vacille qui perd ses fondamentaux et cherche d’autres agencements. Prise au piège du mal, elle lâche le sens commun, s’accuse elle-même, se tord comme un ver, se condamne. Il lui faut un ordre autre – un récit autre du réel qui fasse sens dans l’absurde. La violence faite à la chair du supplicié pénètre intentionnellement l’esprit de la foule qu’il faut soumettre. Elle s’y propage comme un dogme et installe la structure que véhicule son esthétique. L’ordre nouveau est là, avec priorité sur la vie.

C’est un mécanisme difficile à retourner.

 

Séduire

Johanna Perret cultive l’ambivalence. Si d’apparence chaque œuvre demeure limpide – dessin monochrome au trait sans complication technique particulière – leurs sujets, en revanche, ne se livrent pas au regard qui ferait l’économie d’une étude. Les portraits transgenres, les fleurs empoisonnées, les paysages évanescents de pollution ou l’ornementation de sévices ritualisés, ne trahissent pas à première vue la dualité de leur nature. Qu’elle se trouve dans la forme ou dans le choix de l’image elle constitue pourtant un sujet de réflexion.

« L’ambivalence » est l’apparition d’un double sens contradictoire mais exprimé et visible. Dans l’analyse elle se distingue clairement de « l’ambiguïté » – qui n’a pas cours ici car elle implique une confusion du sens.

Ces images témoignant de notre violence, actuelle ou historique, sanglante ou psychologique, disent la double façon de voir et de penser qui, bien que porteuse d’une contradiction, permet la profondeur où s’agite l’âme humaine.

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Pour en savoir plus: http://johannaperret.blogspot.com/