EXPOSITION DU 29 SEPTEMBRE AU 24 NOVEMBRE 2018

 

Vernissage le 28 septembre, à partir de 18h.

 

Découvrir le travail de Charles Lopez demande un regard subtil prêt à s’embarquer pour d’autres horizons. Si de prime abord l’ensemble des nouvelles productions que compose l’exposition « Pierre, la couleur qu’on veut écraser » semble s’offrir dans un parcours de formes minimales, évacuées de toute fioriture, il s’agirait pourtant de tendre l’oreille, de convoquer la mémoire, de se jouer des mots et de laisser notre expérience se prendre les pieds dans l’univers sensible proposé par l’artiste.

Depuis le début des années 2000, les œuvres de Charles Lopez n’ont cessé de questionner et d’entamer notre rapport au champ du visible et aux interstices dans lesquels nous avons l’habitude de le percevoir. Par un mouvement de translation souvent ingénieux voire désinvolte, il désamorce un regard vif porté sur le monde qui l’entoure, mêlant sans ambages le verbe à la matière. Une quête dans la nuance, un parcours indiciel d’aller-retour qui, à rebours ou à revers, nous entraine sur le fil ténu qui sépare le perçu du non-perçu, l’illusion de la désillusion.

N’y allons pas par quatre chemins, un seul suffit.

Avec Feuille de route (2009), texte introductif d’une exposition, Charles Lopez vient poser le rythme de l’itinéraire. Un rythme soutenu, une cadence presque folle où s’enchaînent les bips, onomatopées de la censure, qui transforment un outil de communication en dérision, balayé de toute référence. Clin d’œil à l’appareil institutionnel dans le cadre duquel l’art prétend s’offrir.

En réponse à ce bourdonnement nerveux, s’épanouit du long de ses 2m50 l’œuvre silencieuse Barbarie, 2018. Rejouant la légèreté du carton déplié de la partition, Lopez soustrait la forme des perforations – outils de lecture de la musique – pour les remplacer par des orifices non réguliers disposés de façon aléatoire ou évocatrice, si ce n’est d’un ciel moutonneux, d’un mur percé d’impacts, de la violence du creux et de son silence.

Les plis deviennent anguleux pour Eux, 2015 surlignés par une marie-louise et délicatement encadrés, cette série de photographies trouvées et tronquées par l’artiste nous renvoie à l’absence vertigineuse du sujet. Celui-là même qui fut autrefois la raison du cliché où n’apparaît à présent plus qu’un paysage montagneux, lieu fantasmagorique se déclinant de cadre en cadre. Cette présence suggérée par sa propre éviction est comblée dans la narration que Charles Lopez adjoint aux images. Notre perception reste cependant évanescente, engageant le désir : qui sont-ils ? Qui sont « Eux » ?

L’enquête avance pourtant, cette fois nourrie d’un univers sonore, Rendez-vous avec Curzio (2016), agit comme une trace mémorielle où le nom propre se substitue à la description d’un lieu que seul l’écoute du visiteur pourra reconstituer.

Les sens en alerte dorénavant, nous sommes prêts à admettre, bien qu’incrédules, les limites de notre perception devant Révolution invisible, 2018. Par son doux mouvement permanent – In perpetuum mobile –  cette météorite ou, en tout cas son illusion plastique, redistribue les cartes : que cherchons-nous vraiment ? S’agit-il du temps, de sa répétition ou de ce mouvement non perceptible à l’œil nu qui pourtant nous déplace inlassablement d’un point A à un point B, d’un état originel à une destination inconnue, un monde abscons, une révolution donc.

Mais elle est là, du coin de l’œil je la perçois. Un buste, celui d’une femme dont le regard m’est inaccessible, L’autre, 2018. Plus je m’en approche, plus elle se dérobe car c’est là où le geste du sculpteur, du créateur de formes ne s’y méprend pas. Charles Lopez, par un geste d’effacement, d’enlèvement de matière régulier et minutieux, ne nous offre du portrait qu’un symbole mortifère ayant perdu la face.

Un dernier espoir, un halo de lumière, celui du voyage réalisé par l’artiste de son atelier jusqu’au centre d’art, emprisonné dans le papier photographique. D’ici, là, 2018 est la cristallisation du déplacement de l’artiste jusqu’au visiteur, le temps T, quatrième dimension nécessaire à l’exposition. Récit elliptique devenant intrinsèque à l’œuvre dont l’image encore inconnue se révèle sous vos yeux, ici et maintenant.

 

Sophie Delhasse.

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Plus d’infos : http://www.charleslopez.blogspot.com

 

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