ARTISTE INVITÉE 2022-2023
Pendant un an, Aline Morvan mène une recherche de terrain autour de son projet Composter*, étonnant support de pédagogie, d’ouverture et de questionnement autour du vivant.
Le projet s’inscrit dans le cadre de l’obtention d’une bourse de recherche transfrontalière soutenue par le Conseil du Leman, accueilli par Le Point Commun et le Musée de L’Ariana (Genève). Des ateliers menés auprès des scolaires (une classe de maternelle, deux classes de collèges dans le cadre des Chemins de la culture et une classe de lycée) ainsi que des rencontres avec les usagers des jardins potagers familiaux, associations, spécialistes dans le domaine du compostage des déchets organiques alimentent son travail.
Depuis 2017, Aline Morvan s’intéresse au compost. Elle a dans un premier temps créé des tours en grès de couleur beige dont un exemplaire est visible au Point Commun. Cette pièce, porte en son cœur la question du vivant, et met en exergue le processus de décomposition naturelle d’éléments organiques, indispensable pour créer l’humus. À son tour, ce terreau fertile devient la substance riche et nécessaire à l’apparition de nouveaux organismes. Le concept de vivant soulève tour à tour celui du règne végétal, animal, celui des biotechnologies, du paysage et de l’environnement. Parmi ces formes de vie, celle de l’humain, s’entendant à la fois comme des œuvres naturelles et le terrain d’expérimentation des limites de cette vie polymorphe. Il questionne notre rapport éthique au monde. Pour une écologie et une transition intégrale, le compost végétal, nous montre la nécessité de composter, transformer nos émotions et travailler en profondeur le subtile, la trame.
« Ce qui se laisse mourir, possède déjà la clé d’une vie riche et pleine. C’est une perspective difficilement envisageable, un peu trop floue peut-être quand on imagine la vie et la mort, le pourri et le fertile, comme deux choses bien opposées. D’un côté, on admet volontiers que la vie ne dure pas éternellement. De l’autre, pourtant, on voit la mort comme un silence sans fin, un infini néant. À travers le compost, la nature voit les choses autrement. Elle nous livre alors la clé d’un rituel poignant. Approchez le compost, déposez-y vos épluchures, vos vieux trognons. Tout ce qui a vécu et vous a permis de vivre. Débarrassez les restes des repas : récits des moments les plus importants de la vie, festin cérémonieux ou souper intime, les résidus finissent au même endroit. Composter, c’est déjà rédiger une lettre d’adieu au monde du vivant, c’est penser pourquoi pas, à sa propre fin. Au compost, on jette ce qu’il y a de plus pourri, mais l’on récupère ce qu’il y a de plus fertile. La mort puis la vie et juste là entre ces deux états, une transition sublime. Face à une pile de compost, doit-on dire que la vie n’existe plus ? Ou qu’elle n’existe pas encore ? À l’ère où des questions de transitions individuelles et collectives se posent, il faut bien observer ce que fait la nature quand elle arrive à son stade ultime. Il faut bien s’y préparer, car au fond tout ce qui vit devra un jour mûrir. »
-Louis Viladent, 2020
*Le projet Composter est soutenu par le Conseil du Léman dans le cadre des résidences artistiques transfrontalières. Composter se propose de réaliser une grande sculpture « composteuse », qui sera érigée dans le jardin du Musée de l’Ariana pour recueillir et transformer les déchets organiques des habitants des alentours.
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Aline Morvan est née en 1982 à Courbevoie en France. Ses études en art débutent à l’Université Paris 8 à Saint Denis et passent par les Beaux-Arts de Limoges. Elle obtient son Master en Art à Rennes en Bretagne, et suit deux formations au sein de la Haute Ecole d’Art et de Design à Genève où elle enseigne aujourd’hui le moulage. Aline vit à Gaillard et travaille à Genève (Suisse).
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